Conférence des pourvoyeurs d’armes de l’Otan à Ramstein : ingérence dans les affaires allemandes ?

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FranceSoir
Publié le 26 avril 2022 - 17:35
Mis à jour le 27 avril 2022 - 20:56
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Olaf Scholz chancelier Allemagne
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Olaf Scholz, chancelier allemand.
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Mardi 26 avril, se tient à Ramstein (Allemagne) une conférence réunissant 40 pays, selon les organisateurs, pour décider de l’envoi d’armements lourds à l’Ukraine. Le lieu est symbolique, puisqu'il s'agit d'une gigantesque base aérienne américaine et otanienne en plein centre de l’Allemagne. Elle joue d'ailleurs un rôle-clef dans les opérations de l'organisation transatlantique en Ukraine, notamment pour ce qui est du contrôle de l’espace aérien européen. Or, le chancelier allemand Scholz ne semble pas avoir été consulté quant à l'organisation dudit événement, et nombreux sont les observateurs qui voient le choix de Ramstein comme une ingérence pure et simple des États-Unis dans la politique allemande, voire même comme tentative de renverser le chancelier.

Les va-t-en-guerre allemands sont déchaînés

Le chancelier Scholz multiplie dernièrement les appels à éviter la guerre nucléaire. Lorsque le ministre de la Justice Marco Buschmann a déclaré que l’Allemagne pouvait très bien livrer des armes à l’Ukraine, sans être considérée du strict point de vue du droit international comme belligérante, le chancelier a rétorqué : "Il n’existe pas de manuel réglant une telle situation qui nous dirait à partir de quel moment nous serions considérés comme des belligérants. Ce manuel s’écrit au jour le jour et nous avons encore des leçons à y apprendre". On se souviendra que l'opération Barbarossa, la dernière intervention militaire de la Wehrmacht en Russie (1943), n’a pas connu d’issue particulièrement heureuse.

Cela n'a pas empêché la porte-parole militaire des libéraux (FDP), Mme Strack-Zimmermann, de déclarer le samedi 23 avril que "celui qui n’est pas disposé à agir aussi en chef militaire n’est sans doute pas à sa place". De son côté, le chef des chrétiens-démocrates déclarait, vendredi 22 avril, que le chancelier Scholz (chef d’une instable coalition) serait vite mis en minorité s’il continuait à s’opposer à la livraison d’armes lourdes à l’Ukraine. Le ministre "vert" des Affaires étrangères, Mme Baerbock (Young Leader du Forum économique mondial dotée d’un CV d’une invraisemblable légèreté), déclarait en Estonie la semaine dernière "qu’aucun tabou" ne devrait plus entourer la livraison d’armes pour l’Ukraine.

Faut-il vraiment faire la guerre ?

Rappelons que l’armée russe ne compte que 725 000 hommes environ, tous professionnels, dispersés sur le territoire national le plus vaste du globe et en particulier le long des frontières asiatiques. Notons que la seule armée turque intégrée à l'Otan compte à elle seule plus d’un million d’hommes. Le budget militaire de la Russie est dix fois moins important que celui des États-Unis, et elle a une quantité de bases étrangères considérablement moindre qu'eux. Une invasion de l’Europe par la Russie semble donc impensable ; c'est en tout cas le discours que tient le colonel MacGregor aux États-Unis. Or, si l'Otan s’évertue actuellement à envoyer des armes lourdes à l’Ukraine, qui ne fait pas partie de l’Alliance, c’est que la Russie est en train d’y atteindre ses objectifs et que l’unique moyen de la mettre en échec serait de provoquer une confrontation frontale (voire nucléaire) avec l’Otan.

Voir aussi : États-Unis: le colonel MacGregor alerte quant à la périlleuse implication américaine en Ukraine

Les envois d'armes en Ukraine

Selon le site German-Foreign-Policy, les États-Unis auraient déjà mis sur la table des armements (blindés, howitzer, hélicoptères, drones, radars, pièces détachées d’avion) d’une valeur de 3,3 milliards de dollars, en plus de chasseurs-bombardiers dont le Pentagone n’a pas spécifié le type, et également d’énormes quantités d’armes tels des blindés T-72, en provenance des anciens pays du Pacte de Varsovie.

S'il est difficile de connaître la quantité et la typologie des armes livrées à l’Ukraine par l’Allemagne elle-même, car les données ne sont que partiellement rendues publiques, les objets connus sont ceux-ci :

2 500 missiles anti-aériens ; 900 missiles anti-tank + 3 000 tirs de munition ; 100 mitraillettes ; 15 "Bunkerfäuste" (munitions anti-bunker) + 50 missiles ; 100 000 grenades à main ; 2 000 mines avec 5 300 charges explosives ; 16 millions de charges de munition pour armes à main diverses. Berlin propose aussi 5 150 armes anti-tank ; 18 drones de reconnaissance ; 3 000 dispositifs de vision nocturne ; 3 000 armes à poing ; 30 armes anti-drone.

Si la liste est vraisemblablement partielle, elle n'en est pas moins parlante. Elle soulève d'ailleurs des inquiétudes parmi les forces de l’ordre en Europe occidentale, notamment car l'on sait difficilement entre quelles mains se retrouvent ces armes. Quoi qu'il en soit, l’armée allemande n'annonce rien de moins que d'avoir vidé ses réserves pour l’Ukraine. Elle doit donc désormais proposer à ce pays de s’approvisionner directement auprès des industriels allemands de l’armement.

Des voix s'élèvent pour "une architecture de paix"

L’enthousiasme pour une guerre contre la Russie est fort mitigé en Allemagne. Un groupe d’hommes politiques et universitaires de persuasions politiques diverses a publié le 22 avril un appel au chancelier Scholz, le sommant d’arrêter toute livraison d’armes à l’Ukraine et de promouvoir plutôt "une nouvelle architecture de paix aux côtés de la Russie et de la Chine". L’ex-chancelier Gerhard Schröder, membre du Conseil d’administration de Rosneft, s’est entretenu longuement avec Vladimir Poutine, ami personnel, au mois de mars. Le 23 avril, il a donné une interview au New York Times, où il insiste sur le fait qu’il faille trouver une solution négociée au conflit en Ukraine, que l’Allemagne ne peut se passer ni du combustible ni des terres rares russes, et qu’il est simplement impossible d’exclure la Russie du concert des nations.

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